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12.07.2021 | Enseignement Conseils

La larvothérapie pour soigner les plaies

Comme son nom l’indique, la larvothérapie ou asticothérapie est une technique naturelle pour soigner les plaies qui implique l’utilisation de petites larves vivantes. Cette méthode ancestrale donne des résultats probants sur des plaies peinant à cicatriser. Moins douloureuse qu’un traitement conventionnel réalisé au scalpel par un professionnel de la santé, la larvothérapie est de plus en plus utilisée dans le milieu médical. Leur utilisation permet régulièrement d’éviter une chirurgie plus lourde et douloureuse.

Christian Riesen, infirmier spécialiste en soin de plaies et cicatrisation, a introduit la technique au sein du Centre ASSAL en 2018. Il nous explique plus en détails en quoi cela consiste.

 

Qu’est-ce que la larvothérapie et comment des asticots peuvent-ils soigner des plaies ?

Les larves de la mouche Lucilia sericata sont utilisées en médecine légale depuis de nombreuses années. Elles utilisent les cadavres pour pondre leurs œufs afin que ces derniers puissent se nourrir dès leur éclosion. Puis, dans la nature, elles quittent le lieu de leur naissance pour se mettre dans un endroit sec et se transformer en cocon puis en mouche. Les différents stades de leur évolution permettent d’évaluer la date de la mort de leur hôte.

 En ce qui concerne le traitement des plaies, elles sont utilisées dès leur naissance et pendant les 4 à 5 premiers jours de leur vie durant lesquels elles vont se nourrir afin d’atteindre leur taille « adulte ».

Elles sécrètent un enzyme qui va « liquéfier » les tissus dévitalisés (digestion extracorporelle) puis elles vont les absorber. En parallèle, elles sécrètent une forme « d’antibiotique naturel » pour ne pas s’intoxiquer avec les germes présents dans les tissus morts.

C’est grâce à ce processus naturel que nous utilisons les larves de la mouche Lucilia sericata pour laver et soigner les plaies jusqu’à leur guérison.

 

Lorsqu’on parle de larves ou d’asticots, on pense généralement à quelque chose de peu hygiènique. Est-ce que les larves utilisées sont les mêmes que celles que l’on retrouve dans nos déchets ?

Non, il s’agit de larves de mouches élevées et produites uniquement en milieu stérile et surveillé par l’entreprise Entomos basée à Oberentfelden dans le canton d’Argovie. Les larves sont produites dans le respect de règles d’hygiène très strictes et sont uniquement destinées à un usage médical. Le processus est surveillé et répond aux normes fédérales.

Elles sont reconnues comme moyen de traitement des plaies (au même titre qu’un pansement ou une pommade) et la thérapie est listée et référencée dans la LiMA (liste des moyens et appareils). De part ce fait, cette thérapie est reconnue et remboursée par les assurances.

 

Sur quel type de plaies utilise-t-on la larvothérapie ?

Techniquement, nous pouvons l’utiliser sur tout type de plaies, hormis quelques restrictions liées à des cas particuliers (tumeurs, artères visibles ou risque de saignements, nécroses sèches).

Il faut cependant que les plaies soient des plaies « à nettoyer ». En effet, on n’utilise pas les larves sur des plaies propres et en bonne évolution.

Il n’y a pas vraiment de contre-indications ou d’effet secondaire néfaste connu.

 

Est-ce que les asticots sont déposés directement sur la plaie ? Est-ce qu’ils ne risquent pas de s’échapper ?

Il y a 2 méthodes possibles :

- Asticots en sachet : on mesure la plaie (longueur x largeur) et nous recevons un sachet scellé correspondant à la superficie de la plaie de 2x2cm minimum à 10x10cm maximum.

- Asticots libres : on pratique la même mesure et nous recevons les asticots libres et confectionnons un pansement spécial

Dans les 2 cas il n’y a, en règle générale, pas « d’évasion » possible et aucun risque sanitaire.

 

Comment les patients appréhendent-ils cette méthode ? 

Il n’y a pas de « règle générale ». Il faut, comme pour n’importe quelle thérapie, discuter avec le patient des avantages et inconvénients de la thérapie proposée et donner des alternatives. Si la situation du patient se prête à l’utilisation des larves alors je n’hésite pas à lui proposer cette option.

Certains patients sont effectivement réticents alors que d'autres sont curieux et posent beaucoup de questions. De manière générale, beaucoup de patients sont enthousiastes à l'idée que nous puissions nous ouvrir à une thérapie naturelle et alternative.

Les patients qui ont utilisés cette méthode sont globalement satisfaits du procédé et recommenceraient si nécessaire.

 

Est-ce une technique douloureuse ?

Comme pour toute thérapie, il y a une part d’inconnu dans la réaction du patient et cela dépend de chaque situation.

Comme expliqué précédemment, les larves pratiquent une digestion extracorporelle à l’aide d’enzymes, elles permettent donc de détruire et d’éliminer uniquement les tissus morts avec une méthode douce et sélective. Elles ne « grignotent » pas la plaie et de ce fait, le patient ne sent pas de « morsure ».

Certains patients ressentent les mouvements des larves dans le pansement mais sans éprouver de douleur. Cette sensation n’est pas particulièrement intense et ne les empêchent pas de vivre normalement.

Rétrospectivement, en nous basant sur les nombreux traitements effectués dans notre Centre, nous pouvons dire que dans l’ensemble, la thérapie a été bien tolérée par nos patients. Dans certains cas, une adaptation de l’antalgie a été nécessaire (introduction d’un antidouleur de type Dafalgan, par exemple).

Globalement, les patients disent que cette technique est moins douloureuse qu’un débridement au scalpel par exemple.

 

Combien de temps dure un traitement de larvothérapie et est-ce que le patient peut continuer à marcher pendant ce temps ?

L’application des larves se fait en règle générale le mardi et sont retirées le vendredi (4-5 jours de traitement). Une autre session peut être programmée pour le mardi suivant et ainsi de suite. Tant que la plaie n’est pas totalement nettoyée, le traitement peut être répété.

En revanche l’activité des larves amène une augmentation des écoulements et nécessite parfois d’augmenter la fréquence des soins/contrôles au cabinet.

Pour le patient il n’y a que peu de consignes, mais la principale consiste à respecter la décharge complète de la zone traitée. En effet, les asticots sont vivants et si le patient appuie/cogne fortement sur la zone, il va tout simplement tuer les larves et le traitement ne sera plus efficace.

C’est particulièrement important lors du repos/sommeil de ne pas se coucher sur la zone traitée. Cela étant dit, la majorité des patients n’ont pas de difficulté à respecter cette consigne : même en absence de larves, s’appuyer sur une plaie reste peu agréable.

On évite de traiter avec cette méthode des zones de charge, comme par exemple le talon, sauf si on peut garantir une mise en décharge de la zone.

 

Que deviennent les larves, une fois leur travail fini ?

Les larves sont éliminées dans la filière des déchets médicaux, étant donné qu’elles sont parfois en contact avec des plaies infectées.

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